L’AYRAL Gaillac d’Aveyron 12310 Laissac
Le village de Gaillac (Gallia : la terre) s’est construit autour de sa fontaine, de son église, sur le grand chemin supplantant vers le IVème siècle la voie Romaine Lyon Toulouse. Le grand chemin, rive droite de la rivière, reliât pendant 15 siècles, de villages en bourgs, Rodez à Sévérac le Château, dans l’attente de la National 88 et pour Gaillac son pont de pierres en 1846. À l’entrée ouest du village, dominée par une grande croix de pierre toujours en place, une AIRE d’accueil du grand chemin pour les diligences et les charrois (L’Ayre d’où le nom de L’AYRAL). Les animaux de trait se désaltéraient au ruisseau, abondance de la fontaine du village, leurs maîtres grimpaient l’escalier de pierre de l’auberge (actuellement maison Causse) pour vider une chopine ou se réchauffer d’une écuelle de soupe de légume au lard sortie de la houle pendue en permanence dans l’âtre. Sur l’Ayre, aux pieds de l’auberge, complément fonctionnel à celle-ci, un capoussadou, auvent ouvert au sud sous lequel on fendait (capousser = fendre en patois) et stockait le bois devant un four à pain et sa cheminée tout deux insérés dans le contrefort de la voûte en pierre d’une cave, s’ensuivait une étable (1782) hébergeant l’auto-indépendance alimentaire de l’auberge : 2 ou 3 ovins et bovins, porcherie, poulailler, clapier, actuellement, la cuisine. Au levant de L’Ayre, contre le ruisseau, fière de son large perron plein sud, dominant une cour jardin : LA MAISON VALENTIN, nos ancêtres, plus tard la famille en fit don au diocèse pour y installer l’école libre du village.
FAMILLE VALENTIN
Cinq enfants naissent dans ce foyer entre 1790 et 1800. Adultes, les trois garçons. Pierre Louis et Jean Baptiste réalisant que Gaillac ne pourrait satisfaire leurs ambitions, quittent le village, Elisabeth épouse Monsieur Boudes, Françoise célibataire reste dans la maison familiale.
Avant de partir pour Paris Jean Baptiste épouse Marianne Vigarié et l’installe dans une maison place de l’église ou nait Louis. Solide gaillard, courageux et perspicace, Jean Baptiste se fait embaucher comme manutentionnaire rouleur de barriques à Bercy. Il gravit rapidement les échelons, devient l’adjoint du patron, puis le remplace à la tête de la maison Brossard, négoce de vin. Marianne et Louis le rejoignent. La famille s’installe dans l’île St Louis où naissent cinq nouveaux enfants dont Désirée notre arrière-grand-mère.
Ce qu’il faut admirer le plus, écrit plus tard leur petit fils Paul Fabre « c’est d’avoir su, en même temps faire fortune et s’élever lui-même et les siens dans l’ordre social, avec un jugement très sûr, il sut écarter de sa route les fréquentations vulgaires et s’introduire dans la Société des notables de son pays à Paris, M. Vezin de Monrepos et M. Delzers de Bessodes le Vielh Président de Chambre à la cour. Sa femme, toute simple, sut par son tact et sa grâce s’associer à son œuvre. Rentrés au pays ils ne firent ni l’un ni l’autre figure de parvenus mais de notables considérés. »
En Aveyron, vers 1840, la nationale 88 prend forme. Le grand chemin, son Ayre à l’entrée de Gaillac et son auberge périclitant, JeanBaptiste et Marianne, aisance financière acquise, achètent : l’Ayre, l’auberge sa dépendance, les prairies et les vignes alentours et font construire sur le four à pain, la cave et l’étable, la grande maison dans sa forme actuelle (1854), puis, l’âge venant ...s’y retirent.
1866, le chemin de fer traverse le Domaine de L’Ayral avant d’entrer en gare de Gaillac, mettant Paris à 14 heures au lieu de 3 jours et 3 nuits en diligence.
Tout en poursuivant de bonnes affaires à Paris, Louis VALENTIN, héritier, agrémente le domaine : confort de la maison, canalisation du ruisseau, grands murs de pierre dessinant le jardin et soutenant les vignes, construction du pavillon et de la voûte Oratoire, aménagement du tennis sur gazon, espace de loisir en bordure de rivière pour la baignade, le Payroulet où dès les beaux jours se retrouvent familles et amis.
PROPRIÉTAIRES SUCCESSIFS DE L’AYRAL
- Jean Baptiste et Marianne Valentin 1840 - 1876 Les Bâtisseurs
- Louis Valentin, leur fils aîné de 6 enfants 1876 - 1894.
- Henry Bertrand, petit fils de Louis 1894 – 1897.
- Henriette et Fernand de Barrau. 1897- 1958.
- 1897 Henriette, née Fabre fille de, Désirée sœur de Louis, et son mari Fernand de Barrau achètent L’Ayral pour 25000 Francs à la veuve d’Henry Bertrand leur petite nièce, domaine qui avait été mis à leur disposition dès 1894
- Cécile de Barrau leur fille 1958 - 1977.
- Françoise de Barrau nièce de Cécile 1977 -1982
- Louis de Barrau frère de Françoise 1982 – 2017
- SCI Familiale Domaine de Caplongue 2017 - Maintenant
PERSONNAGES ET ÉPISODE DE VIE À L’AYRAL
Défaite de 1870. : L’Ayral accueil 25 membres affamés de la famille parisienne.
1876. Las des inconstances professionnelles et du caractère de leur beau-frère Émile Fabre dans leurs propres affaires, les Valentin l’installent avec femme et enfants à L’Ayral en lui versant une rente, puis, afin de soulager leur sœur, son épouse, lui demande de se retirer seul au Tioulas.
Cuisinière et jardinier du domaine, le ménage Puel habite plus de 40 ans dans l’ancienne auberge aménagée, leurs deux fils prêtres partiront missionnaires en Afrique.
Les BARRAU, descendant de Chevaliers dont les armes portent Croissant d’argent accosté de deux étoiles, puis d’officiers de la Garde Royale, petit fils de Pierre Firmin évadé du couloir de l’échafaud sous la terreur, fils d’Adolphe médecin biologiste soignant gratuitement avec sa fille Marie la population de Carcenac Salmiech et des environs, notre Grand Père, Fernand de BARRAU, école des Chartres, quinze ans rédacteur en chef du journal de L’Aveyron, écrit.
C’est dans son bureau bibliothèque de L’Ayral, actuellement le salon du premier étage qu’il rédige les cinq tomes de La Galerie des Préfets de L’Aveyron, toute l’actualité de ce département sur 50 ans en 2000 pages. Il complète et fait éditer l’un des ouvrages majeurs de son Oncle Hippolyte « L’Epoque Révolutionnaire en Rouergue », la RÉFÉRENCE pour tous les vrais Historiens encore aujourd’hui.
Conspué pour avoir révélé des faits peu glorieux de certains individus locaux sous la terreur, il leur répondît : « l’histoire ne peut-elle reprendre quelques-uns de ses droits ? » toujours d’actualité !
1904 : grands travaux, réorganisation de la maison, salle de bain et chauffage central au charbon, une première en Aveyron
Joseph Rodat sourd muet enfant martyr d’un père ivrogne contraint de dormir sous la maison avec la chèvre et le cochon, « il va le tuer » murmurait on dans le village. Fernand de Barrau l’arrache à son calvaire, l’installe à L’Ayral, apparaissent enfin à 20 ans ses premiers sourires et devient un merveilleux jardinier. Il y vivra plus de 50 ans, y mourra entouré par notre famille en 1947. Il se rasait le dimanche pour embrasser tout le monde, avec un grand sourire.
Les cinq enfants de Fernand et Henriette de Barrau vécurent leur enfance et toutes les vacances à L’Ayral. Les 4 garçons sont mobilisés en 1914. Jean, secrétaire particulier du Duc d’Orleans, est tué en 14, Paul, ingénieur en 15. Roger, docteur en droit, blessé en 17 en mourra 4 ans plus tard. Le prétendant de Cécile, tué à son tour, Pierre notre père, vient d’être admis à l’école des Eaux et Forêts, brigadier instructeur dans les bataillons d’Afrique à Dakar, participe au débarquement de Thessalonique, la bataille des Dardanelles, le front d’orient en Serbie, démobilisé en 1920 profondément marqué. Pierre de BARRAU épouse Marie Sarrauste de Menthiere infirmière durant toute la guerre à l’hôpital militaire du Val de Grâce à Paris.
1940 : La débâcle - la population de Gaillac triple en quelques jours. Pierre de BARRAU en est le maire. (2e mandat)
L’Ayral et le Niou où Pierre et Marie de BARRAU exploitent le domaine en élevant leurs huit enfants dont je suis le dernier, accueillent et nourrissent nombre de cousins de Paris et Versailles, Fabre, Pierret et de réfugiés. Le ménage Amans nous fait l’école, Alice Décor nous apprend à peindre, Meryème Fabre, née Esquéret, médecin, vaccine et soigne le village et ses environs, remerciée par du lait, des œufs et des pommes de terre pour nourrir ses cinq enfants. Le grenier de L’Ayral cachera durant 3 ans le professeur Tissandier, Juif Polonais, chimiste, il descend la nuit dans la cuisine où Joseph Rodat alimente le feu, ils fabriquent ensemble du savon distribué dans le village et le voisinage par notre tante Cécile, la bonté en personne.
QUEL SYMBOLE ! C’est L’AYRAL ! AIRE D’ACCUEIL ET DE PARTAGES
Beaucoup plus tard, (1994-2018) en attendant les constructions de celle du Tioulas de Coussergues de Gagnac et du Niou, à L’Ayral la piscine couverte et ses 30 degrés cinq mois de l’année, réunit l’été pendant 25 ans famille cousins amis, tandis que des dizaines d’enfants barbotent, leurs parents entre 2 plongeons font « bosquet » en petite tenue autour de la table de pierre sous le sapin.
LIBER FACOUNDIA : Réunion annuelle 5 ans durant, en août, d’une centaine d’amis autour de livres sur un thème défini, le dernier : Bien Heureux les Fêlés car ils laissent passer la lumière !!
L’heure du Chapelet.
La lumière déclinante du jour invitant à quitter le jardin, fermer le poulailler, poser l’ouvrage, dans les maisons feu fumant de traditions chrétiennes, les aînés, rejoignaient le cantou où approchant leur fauteuil de l’âtre, magnifiaient ces moments de grâce en récitant ensemble dans la pénombre leur Chapelet.
Un soir d’octobre 1974, j’eus le bonheur d’entrer dans la salle à manger de l’Ayral au 4ème GLOIRE AU PÈRE. Devant le poêle à la flamme vacillante je participais à la dernière dizaine suivie de l’évocations des saints Patrons des membres de la famille, puis j’embrassais ma tante Cécile de BARRAU, Marie Cantagrelle, sa fidèle assistante qui nous avait tous, petits, tenus dans ses bras, et ma mère, Marie de BARRAU, veuve depuis un an, en séjour chez sa belle-sœur. Lors du dîner, j’exprimais ma fierté de partager ce repas avec trois femmes de la cohorte des JUSTES.
En effet, Tante Cécile de BARRAU, sa mère Henriette de BARRAU et Marie Cantagrelle avaient accueilli et caché à L’Ayral pendant 3 ans de guerre le professeur Tissandier Juif Polonais. Mes parents avaient accueilli et caché durant la guerre au Niou et à Fontenille (leur maison dans le Cantal), plusieurs familles juives qui leur ont, avec leurs enfants et leurs petits-enfants, longtemps témoigné leur reconnaissance. Je proposais d’effectuer les démarches pour officialiser l’inscription au titre de JUSTE. Evoquant modestement leur âge et le naturel de ces actions, affectueusement elles déclinèrent mon offre.
25 ans plus tard, en 2000, Françoise et moi arrivions à JÉRUSALEM à l’issu d’un long pèlerinage en VTT de 6000 kilomètres :
L’AYRAL-SAINT JACQUES DE COMPOSTELLE.
L’AYRAL- ROME-THESSALONIQUE -EPHESE -DAMAS- JERICHO-L’AUBERGE DU BON SAMARITAIN - JERUSALEM.
Nous restions un mois dans la cité des trois collines éternelles : Mont des Oliviers, Golgotha, Yad Vashem. Parmi tant d’autres expéditions, aux quatre coins du monde, à pied à cheval, en VTT, à ski, à la voile, des déserts de sable aux déserts de glace, de l’ascension de sommets de légendes aux torrents de feu des volcans, des marathons aux ultra trials ce fut LE VOYAGE PÈLERINAGE de notre vie !
Ecrit par Louis de Barrau